Petite histoire de la notion d’ambiance


resumo resumo

Jean-Paul Thibaud



correspondent. La part de l’aléatoire est ici moins déterminante qu’on ne croit : du point de vue de la dérive, il existe un relief psychogéographique des villes, avec des courants constants, des points fixes, et des tourbillons qui rendent l’accès ou la sortie de certaines zones mal aisées ». C’est ainsi que la dérive relève à la fois d’une pratique expérimentale de la ville fondée sur la mobilité du citadin et d’un moyen de connaissance des unités d’ambiance urbaines. Elle constitue un outil méthodologique privilégié de la « psychogéographie » que cherchaient à développer les situationnistes. En tant qu’« étude des effets précis du milieu géographique, consciemment aménagé ou non, agissant sur le comportement affectif des individus », la psychogéographie met l’accent sur l’efficace pratique et émotionnel de l’ambiance. Un tel argument n’est pas sans conséquence sur la manière de penser et de pratiquer l’architecture. Pour les situationnistes, partir de l’ambiance pour concevoir des édifices ou des espaces nécessite de travailler sur des situations plus que sur des formes, sur des effets d’atmosphère davantage que sur des lignes : « Les camarades qui réclament une nouvelle architecture, une architecture libre, doivent comprendre que cette nouvelle architecture ne jouera pas d’abord sur des lignes et des formes libres, poétiques – au sens de ces mots dont se réclame aujourd’hui une peinture d’’abstraction lyrique’ – mais plutôt sur les effets d’atmosphère des pièces des couloirs, des rues, atmosphère liée aux gestes qu’elle contient. L’architecture doit avancer en prenant comme matière des situations émouvantes, plus que des formes émouvantes ». Ici, il ne s’agit pas moins de redéfinir ce qu’est l’architecture et ce que fait un architecte : non pas construire des formes mais proposer des ambiances. Pour résumer, si l’idée d’ambiance s’avère indispensable pour préciser la notion de situation construite, c’est parce qu’elle permet de mettre en œuvre concrètement son caractère opératoire. De ce point de vue, l’ambiance n’est pas seulement une composante importante de l’expérience urbaine mais aussi un argument de positionnement pratique vis-à-vis de la production et de la transformation de l’environnement urbain.

Cette conception de l’ambiance développée par les situationnistes peut paraître sans doute excessivement naïve et volontariste. On peut se demander a posteriori si ce mouvement a effectivement réussi à abolir les frontières entre l’art et la vie et si son projet de transformation de la vie quotidienne s’est soldé effectivement par une réussite. Si l’analyse critique de l’urbanisme contemporain opérée par les situationnistes mérite encore toute notre attention, il semblerait par contre que le développement d’une architecture proprement situationniste s’avère davantage problématique. Traduire les