Petite histoire de la notion d’ambiance


resumo resumo

Jean-Paul Thibaud



multiplication des périodes émouvantes ». L’ambiance relèverait alors de moments et d’événements particuliers circonscrits dans le temps, s’articulant toujours à ce qui précède et à ce qui suit. Nous retrouvons ici le caractère fondamentalement éphémère d’une situation. De même, au niveau spatial, la ville n’est pas considérée comme un milieu homogène mais plutôt comme un ensemble de micro-climats distincts les uns des autres. Aux divisions purement administratives se substitue ici une composition des territoires urbains fondée sur l’expérience sensible et affective des citadins : « Dans chacune de ses villes expérimentales, l’urbanisme unitaire agira par un certain nombre de champs de forces, que nous pouvons momentanément désigner par le terme classique de quartier. Chaque quartier pourra rendre à une harmonie précise, et en rupture avec les harmonies voisines ; ou bien pourra jouer sur un maximum de rupture d’harmonie interne. (…) Un de nos camarades a avancé une théorie des quartiers états-d’âme, suivant laquelle chaque quartier d’une ville devrait tendre à provoquer un sentiment simple, auquel le sujet s’exposerait en connaissance de cause ». C’est ainsi que dès 1957, certaines expérimentations étaient tentées pour déconstruire la représentation cartographique de Paris et la recomposer à partir d’unités d’ambiance élémentaires[10]. En résumé, l’idée d’« unité d’ambiance » développée par les situationnistes permet à la fois d’assurer une cohérence interne à la situation construite et de caractériser plus précisément sa logique spatio-temporelle. Bref, le caractère unitaire de l’urbanisme situationniste est là aussi affirmé au niveau de l’ambiance.

Troisièmement, construire une situation à partir de l’ambiance consiste à intervenir sur deux composantes principales en perpétuelle interaction, « le décor matérielle de la vie » et « les comportements qu’il entraîne et qui le bouleversent ». Si l’ambiance constitue d’abord et avant tout le support concret et matériel d’une situation, elle doit être pensée en lien étroit avec les effets qu’elle ne manque pas de produire. De ce point de vue, l’ambiance est à la fois le produit et l’instrument de nouveaux modes de comportements. La dérive expérimentale pratiquée par les situationnistes consiste ainsi à rendre manifeste les effets de l’environnement urbain sur l’état émotionnel et le comportement des citadins. En tant que « technique du passage hâtif à travers des ambiances variées », la dérive produit des moments de disruption de la vie quotidienne qui révèlent des effets de nature psychogéographique. Plus précisément, la dérive consiste à « se laisser aller aux sollicitations du terrain et des rencontres qui y



[10] Nous pensons en particulier au collage proposé par Guy Debord, intitulé The Naked City.