Petite histoire de la notion d’ambiance


resumo resumo

Jean-Paul Thibaud



transformation en une qualité passionnelle supérieure »[8]. Le recours à l’ambiance pour définir et construire une situation repose sur trois arguments principaux.

Premièrement, définie parfois comme « un ensemble d’impressions déterminant la qualité d’un moment »[9], l’ambiance permet de mettre en avant et d’intervenir sur la réalité affective de la ville. Elle introduit ainsi l’émotion et le désir au sein même des situations à construire. Partant de l’idée que les situations de la vie quotidienne sont la plupart du temps ternes et dépassionnées, les situationnistes cherchent précisément à intensifier leur potentiel affectif : « Puisque l’homme est le produit des situations qu’il traverse, il importe de créer des situations humaines. Puisque l’individu est défini par sa situation, il veut le pouvoir de créer des situations dignes de son désir ». Bref, le caractère passionnel d’une situation est affirmé au niveau de son ambiance.

Deuxièmement, l’ambiance permet d’unifier une situation en un tout cohérent et articulé. Elle est un outil privilégié de l’urbanisme unitaire défendu par les situationnistes. Si urbanisme unitaire il y a, c’est d’abord parce qu’il s’appuie sur « l’ensemble des arts et des techniques, comme moyens concourant à une composition intégrale du milieu ». A cet égard, l’ambiance est à la fois l’unité de base qui assure un mouvement d’ensemble aux divers modes d’intervention convoqués et le résultat de cette transformation du milieu d’origine : « L’élément le plus réduit de l’urbanisme unitaire n’est pas la maison, mais le complexe architectural, qui est la réunion de tous les facteurs conditionnant une ambiance, ou une série d’ambiances heurtées, à l’échelle de la situation construite ». Mais encore, l’urbanisme unitaire vise à rompre la continuité de la vie quotidienne, aussi bien au niveau temporel que spatial. Au niveau temporel, la théorie situationniste soutient une conception non continue de la vie et a pour objectif d’instaurer des ambiances nouvelles « dont les traits essentiels sont la courte durée et le changement permanent ». En redonnant à l’émotion une place dans la vie quotidienne et en découpant celle-ci en moments distincts, elle s’inscrit contre une conception traditionnelle de l’art et de l’esthétique : « L’attitude situationniste consiste à miser sur la fuite du temps, contrairement aux procédés esthétiques qui tendaient à la fixation de l’émotion. Le défi situationniste au passage des émotions et du temps serait le pari de gagner toujours sur le changement, en allant toujours plus loin dans le jeu et la

Pour les développements qui suivent, nous nous appuierons essentiellement, mais non exclusivement, sur un texte programmatique présenté par Guy Debord en 1957 : « Rapport sur la construction des situations et sur les conditions de l’organisation et de l’action de la tendance situationniste internationale » In Internationale situationniste (op. cit.).



[8]  Ibid.

[9] Pour les développements qui suivent, nous nous appuierons essentiellement, mais non exclusivement, sur un texte programmatique présenté par Guy Debord en 1957 : « Rapport sur la construction des situations et sur les conditions de l’organisation et de l’action de la tendance situationniste internationale » In Internationale situationniste (op. cit.).