Pouvoirs de la ville. Note sur la pensée urbaine et les langages politiques au début de l’âge moderne


resumo resumo

Romain Descendre



consacrer ses richesses au bénéfice du bien commun, on a bien là une formulation qui associe une certaine politique architecturale et urbaine à l’affirmation d’un pouvoir et à l’assise d’une domination – laquelle est d’ailleurs généralement perçue comme illégitime et donc fragile.

On retrouve cette même idéologie de la magnificence, au XVe siècle, dans la plupart des textes qui traitent de la ville. Elle est notamment au fondement du De re aedificatoria de Leon Battista Alberti, l’architecture servant à assurer la dignité et l’honneur du prince et de la ville (prologue), et qui attribue à la beauté  pulchritudo ») des édifices le pouvoir d’imposer respect et crainte, au point de faire d’elle le meilleur rempart contre les agressions ennemies (livre VI, chap. 2)[1]. D’autres font plus explicitement de la magnificence une expression de la domination des princes sur leurs propres populations. Pour le pape Nicolas V, les « édifices grandioses et pour ainsi dire éternels » devaient rappeler au peuple l’autorité de l’Église ; selon Paolo Cortesi la magnificence architecturale pouvait même contribuer à éviter les soulèvements populaires[2]. Si l’architecture est ainsi mise à contribution pour exprimer au cœur même de la ville la souveraineté princière – c’est-à-dire, avant tout, une supériorité impliquant une relation d’obéissance – cette conception est partagée par l’ensemble des élites citadines qui entendent marquer leur distinction dans l’espace même de la ville et légitimer leurs privilèges par la somptuosité de leurs édifices.

On notera toutefois que l’on est encore ici à un stade de la réflexion portant beaucoup plus sur l’architecture que sur l’urbanisme, sur les édifices singuliers plus que sur la configuration de la ville dans son ensemble. C’est pourtant déjà cette étape qui est franchie avec des auteurs comme Alberti et Filarete, et, plus encore, avec Léonard de Vinci.

 

Rationalisation de l’espace et contrôle des populations

La réflexion de Leon Battista Alberti frappe par son insistance sur la nécessaire correspondance des édifices avec la pauvreté ou la richesse des habitants, et avec les

L. B. Alberti, L’architettura (De re aedificatoria), testo latino e trad. di G. Orlandi, introduz. e note di P. Portoghesi, Milano, Il Polifilo, 1966, p. 13 et 447.

G. Manetti, Vita Nicolai V Summi Pontificis, in Rerum Italicarum Scriptores, III, 2, Milano, 1723, col. 949-950, et P. Cortesi, De Cardinalatu, passages cités et commentés par M. Tafuri, Venezia e il Rinascimento. Religione, scienza, architettura, Torino, Einaudi, 1985, p. 156-157 et Ricerca del Rinascimento. Principi, città, architetti, Turin, Einaudi, 1992, p. 38-39 et p. 55-56.



[1] L. B. Alberti, L’architettura (De re aedificatoria), testo latino e trad. di G. Orlandi, introduz. e note di P. Portoghesi, Milano, Il Polifilo, 1966, p. 13 et 447.

[2] G. Manetti, Vita Nicolai V Summi Pontificis, in Rerum Italicarum Scriptores, III, 2, Milano, 1723, col. 949-950, et P. Cortesi, De Cardinalatu, passages cités et commentés par M. Tafuri, Venezia e il Rinascimento. Religione, scienza, architettura, Torino, Einaudi, 1985, p. 156-157 et Ricerca del Rinascimento. Principi, città, architetti, Turin, Einaudi, 1992, p. 38-39 et p. 55-56.