Petite histoire de la notion d’ambiance


resumo resumo

Jean-Paul Thibaud



quotidienne permet de donner sens à l’idée de situation, c’est dans le champ de l’urbain qu’elle va être mis en œuvre concrètement et pratiquement.

La critique de la vie quotidienne se redouble d’une critique de l’urbanisme. La ville est alors considérée comme le terrain par excellence de la lutte collective pour la liberté et le changement social. En accord avec Henri Lefebvre qui prédisait la venue d’un nouvel age urbain dans lequel la ville ne serait plus déterminée par les forces du marché, et avec Georg Lukacs qui faisait de la métropole le lieu concret de la lutte contre la division capitaliste du travail, l’aliénation et la fragmentation de la vie, les situationnistes vont développer ce qu’ils appelleront l’« urbanisme unitaire ». L’urbanisme unitaire relève à la fois de la connaissance et de l’action, la théorie étant considérée comme un moyen de clarification de la pratique. L’objectif est de transformer l’environnement urbain, de changer le monde à travers un urbanisme qui renouvelle les conceptions traditionnelles de l’espace et du temps. En particulier, plutôt que de penser l’espace comme un contenant neutre de relations sociales, il faut faire valoir et tirer toutes les conséquences de son caractère actif et dynamique[6]. Il s’agit de faire de la ville un espace de jeu dans lequel puisse s’exprimer et se développer librement une expérience pleine et entière. Bref, pour les situationnistes, l’urbanisme unitaire « n’est pas une réaction contre le fonctionnalisme, mais son dépassement : il s’agit d’atteindre, au-delà de l’utilitaire immédiat, un environnement fonctionnel passionnant »[7].

C’est dans la rencontre de cette critique de la vie quotidienne et de l’urbanisme que peut être situé l’usage qui sera fait de la notion d’ambiance. D’une certaine manière, l’ambiance se présente comme le fil conducteur qui permet de comprendre la diversité des interventions situationnistes en milieu urbain et de leur conceptualisation, qu’il s’agisse des « situations construites » elles-mêmes, ou des exercices pratiques qu’elles mettent en œuvre telles la « dérive expérimentale », le « détournement » ou l’« étude psychogéographique ». Remarquons pour commencer que la notion de situation repose sur l’idée d’ambiance : « Notre idée centrale est celle de la construction de situations, c’est-à-dire la construction concrète d’ambiances momentanées de la vie, et leur

Cf. Internationale situationniste, op. cit.



[6] Ici encore la pensée de Henri Lefebvre est tout à fait fondamentale. L’idée d’un espace concret, vécu et actif sera largement argumentée par la suite dans son ouvrage de toute première importance consacré à l’espace. Cf. Lefebvre, H. (1974) La production de l’espace. Paris : Anthropos.

[7] Cf. Internationale situationniste, op. cit.