Petite histoire de la notion d’ambiance


resumo resumo

Jean-Paul Thibaud



lettrisme, le dadaïsme et le surréalisme, il vise un dépassement de l’art qui abolirait les frontières entre l’art et la vie. D’autre part, fortement influencé par le marxisme non orthodoxe d’Henri Lefebvre, il se veut subversif et révolutionnaire. Est-il besoin de rappeler le rôle qu’a joué ce mouvement dans les événements de Mai 68 en France et plus largement dans les mouvements contestataires internationaux de l’époque ?

Pour comprendre la place qu’occupe la notion d’ambiance dans la pensée et l’activité de ce mouvement, il faut revenir à sa double critique de la vie quotidienne et de l’urbanisme de l’époque. L’idée selon laquelle il faut transformer la vie de tous les jours s’inspire de la pensée d’Henri Lefebvre, en particulier de ses ouvrages consacrés à la vie quotidienne[3]. Dans ces livres, Lefebvre propose une théorie critique de la société qui s’oppose au positivisme et au scientisme en faisant de la vie quotidienne le lieu même du concret et de l’expérience. Plus précisément, dans l’ouvrage de 1962, il développe la notion de « moment » qui constituera le point de rencontre entre sa philosophie et la pensée situationniste. C’est dans la discussion de cette notion de moment que va se préciser petit à petit la notion de situation qui donnera le nom de ce mouvement[4]. La théorie des moments s’inscrit au sein de la vie quotidienne. Elle opère une critique de la réification de l’expérience et doit permettre d’« intensifier le rendement vital de la quotidienneté ». Le moment, tout comme la situation, procède de la rencontre du structural et du « conjonctural » et peut s’étendre dans le temps ou se condenser. Par contre, alors que le moment est une catégorie générale, d’ordre essentiellement temporel et désignant des séquences répétables de la vie quotidienne, la situation est toujours particularisée, unique et éphémère, d’ordre spatio-temporel. Les situations se définiraient alors à partir de trois idées conjointes : en tant que moments construits, créés et organisés, elles relèvent d’une praxis ; leur organisation d’ensemble se fonde sur « l’objectivité d’une production artistique qui rompt radicalement avec les œuvres durables » ; elles désignent enfin « les moments de rupture, d’accélération, les révolutions dans la vie quotidienne individuelle »[5]. Si cette référence constante à la vie

  En particulier, Lefebvre, H. (1947) Critique de la vie quotidienne. Paris : Grasset ; Lefebvre, H. (1962) Fondements d’une sociologie de la quotidienneté. Paris : L’Arche.

  Ibid.



[3]  En particulier, Lefebvre, H. (1947) Critique de la vie quotidienne. Paris : Grasset ; Lefebvre, H. (1962) Fondements d’une sociologie de la quotidienneté. Paris : L’Arche.

[4] Je m’appuie en particulier sur un article non signé de 1960 qui développe explicitement le rapport entre les notions de moment et de situation : Théorie des moments et construction des situations. Internationale Situationniste. n°4, pp. 10-11. Les numéros de la revue Internationale Situationniste ont été regroupés et augmentés de divers documents inédits en 1997 par la Librairie Arthème Fayard. C’est à cette publication que je ferai référence par la suite.

[5]  Ibid.