Petite histoire de la notion d’ambiance


resumo resumo

Jean-Paul Thibaud



collective. Un argument bien audacieux est alors avancé pour relier le niveau individuel de l’ambiance  à son niveau collectif : « Ces événements, intellectuels et sensibles, sont ainsi sous le même signe que les événements organiques ; et les lois, encore insoupçonnées, qui assurent leur apparition et leur disparition ne sont pas différentes pour les corps humains et pour les sociétés humaines ».

Une telle conception de l’ambiance est fantaisiste et critiquable à plus d’un égard. Sous couvert d’un langage pseudo-scientifique, elle opère des raccourcis faciles entre divers niveaux de l’ambiance, en profite pour faire passer des arguments d’ordre idéologiques discutables, n’est pas dépourvue d’incohérences et de contradictions internes et érige l’ambiance comme une notion à même d’expliquer tout et n’importe quoi. Bref, on a affaire ici à un ensemble d’amalgames qui ne peuvent être pris pour argent comptant. Néanmoins, on est en présence d’une première tentative de thématisation de la notion d’ambiance. D’ailleurs, tout n’est sans doute pas à remettre en cause dans cette entreprise. Retenons trois intuitions importantes qui nous paraissent toujours d’actualité. Premièrement, plutôt que d’opposer terme à terme des catégories et de se conformer à une pensée dualiste, Daudet pense l’ambiance comme l’articulation et la tension entre des polarités. Ainsi en va-t-il du quantitatif et du qualitatif, de l’esprit et de la matière, de l’individuel et du collectif. Deuxièmement, il pense l’ambiance en termes d’efficace, comme une force opérante ayant à voir avec notre manière d’être au monde. C’est ainsi que l’ambiance aurait à la fois le pouvoir d’augmenter ou de diminuer nos sensations et celui d’assurer notre contact vital avec la réalité[2]. Troisièmement, pour Daudet l’ambiance convoque l’ensemble des sens et nécessite de réintroduire dans la réflexion des modalités sensibles aussi peu explorées que l’olfaction. Plus largement encore, elle suppose de mettre à jour la question de l’intersensorialité, question qui n’en est encore qu’à ses balbutiements.

 

L’unité d’ambiance des situationnistes

Quelque trente ans après l’essai de Léon Daudet, les situationnistes vont proposer un tout autre modèle de l’ambiance. Le mouvement situationniste émerge à la fin des années 50, perdure une quinzaine d’années jusqu’à sa dissolution en 1972. Mouvement qui devient très vite international, le situationnisme s’inscrit à la fois dans le champ artistique et dans le domaine politique. D’une part, en rapport étroit avec le



[2]  Ce dernier point sera d’ailleurs un des arguments de base de la psychopathologie des ambiances présentée plus loin.