Petite histoire de la notion d’ambiance


resumo resumo

Jean-Paul Thibaud



pas ‘je vois quelque chose’ mais plutôt ‘dans le médium, la présence des choses est perceptible’ »[59]. Ici se trouve sans doute le moment clé de la pensée de Böhme en matière d’atmosphère. L’introduction du médium comme troisième terme conduit à un double développement. D’une part, c’est à partir de lui qu’il est possible de dépasser l’idée selon laquelle la perception pourrait être réduite au simple fait d’identifier ou de remarquer des objets. En effet, le médium est le support à partir duquel le monde se dote d’une certaine physionomie et dispose le sujet percevant dans un certain état corporel et affectif. D’autre part, du point de vue de l’expérience, l’atmosphère n’est autre que le médium, ou plus précisément, l’état du médium dans une situation donnée[60]. Autrement dit  L’’objet’ premier de la perception est l’atmosphère. Ce qui est initialement et immédiatement perçu n’est pas des sensations, ni des formes ou des objets ou leurs constellations, comme la psychologie de la Gestalt le pensait, mais des atmosphères, arrière-plan sur la base duquel le regard analytique distingue de telles choses comme des objets, des formes, des couleurs, etc. »[61]

Ainsi, Augoyard et Böhme développent tous deux leur esthétique des ambiances à partir d’une logique modale. A cet égard, ce n’est pas le quoi de la perception qui est questionné mais bien plutôt le comment. Par contre, s’ils cherchent l’un et l’autre à rendre compte de la complexité de l’expérience sensible in situ, ils s’appuient sur des catégories différentes. Pour Augoyard, c’est l’idée de phénomène d’ambiance qui prévaut, avec ses six entrées complémentaires (signal physique, forme spatio-temporelle, percept, représentation, code et norme, interaction sociale). Pour Böhme, la problématique de l’atmosphère se construit autour de la notion de présence, avec ses trois versants principaux (la chose, le médium, les sens). Pour finir, si ces deux approches traitent chacun à leur manière la question de la sensibilité (esthésique des ambiances), de la contextualité (écologie des ambiances) et de la créativité (production des ambiances), Augoyard a davantage développé la question des usages à partir d’une rhétorique des ambiances[62]. Il réintroduit explicitement la dimension collective et

Sur cette proposition, se reporter au développement proposé dans le chapitre 5.

Un développement de cette question peut être trouvé dans l’ouvrage précurseur publié voici plus de vingt ans : Augoyard, J.F. (1979) Pas à pas. Essai sur le cheminement en milieu urbain. Paris, Seuil. Cette question n’est pas complètement absente de la pensée de Böhme pour qui les atmosphères urbaines sont aussi générées par des modes de vie spécifiques. Elle reste toutefois à l’état d’ébauche, en particulier dans : Böhme, G. (1998) The atmosphere of a city. Issues in Contemporary Culture and Aesthetics. n°7, pp. 5-13.



[59] Böhme, G. (1992) An Aesthetics Theory of Nature: An Interim Report. Thesis Eleven.  n°32, pp. 90-102.

[60] Sur cette proposition, se reporter au développement proposé dans le chapitre 5.

[61] Böhme, G. Atmosphere as the Fundamental Concept of a New Aesthetics. Op. cit. . (traduction personnelle de l’anglais).

[62] Un développement de cette question peut être trouvé dans l’ouvrage précurseur publié voici plus de vingt ans : Augoyard, J.F. (1979) Pas à pas. Essai sur le cheminement en milieu urbain. Paris, Seuil. Cette question n’est pas complètement absente de la pensée de Böhme pour qui les atmosphères urbaines sont aussi générées par des modes de vie spécifiques. Elle reste toutefois à l’état d’ébauche, en particulier dans : Böhme, G. (1998) The atmosphere of a city. Issues in Contemporary Culture and Aesthetics. n°7, pp. 5-13.