Petite histoire de la notion d’ambiance


resumo resumo

Jean-Paul Thibaud



phénomène »[56]. Autrement dit, le questionnement ne porte pas tant sur le signal physique lui-même ou sur l’ambiance en général mais bien plutôt sur ce lieu d’articulation que constitue le « phénomène d’ambiance ».

Pour sa part, Böhme aborde la dimension matérielle de l’ambiance à partir du monde des choses. L’argument central qu’il développe consiste à affirmer le caractère « extatique » des choses. Il remet en cause l’ontologie classique de la chose qui considère les qualités d’une chose comme des déterminations[57]. Autrement dit, selon cette conception traditionnelle, les qualités d’une chose (forme, couleur, odeur, etc.) constitueraient ce qui la distingue d’une autre. Chaque chose possèderait une unité interne, serait close sur elle-même, distincte des autres choses et indépendante de son environnement immédiat. Pour Böhme au contraire, les choses ont le pouvoir de se révéler elles-mêmes, d’interagir entre elles et de se diffuser à l’extérieur d’elles-mêmes. Comme l’illustre constamment la peinture, la couleur d’un objet peut être modifiée par celle d’un autre à proximité, la forme d’une chose peut créer des lignes de forces et des suggestions de mouvement. Le caractère extatique des choses ne s’appliquerait pas uniquement aux qualités secondaires mais aussi aux qualités primaires. Un des exemples donné par Böhme pour illustrer son propos mérite d’être donné : « Si nous disons par exemple : un bol est bleu, alors nous pensons à une chose qui est déterminée par sa couleur bleue, qui la distingue des autres choses. Cette couleur est quelque chose que ce bol ‘a’. En plus de cette ‘bleuité’ (blueness) on peut aussi demander si un tel bol existe. Son existence est déterminée alors par sa localisation dans l’espace et le temps. La ‘bleuité’ du bol peut pourtant être pensée d’une toute autre façon, à savoir comme la manière, ou mieux, une manière à partir de laquelle le bol est présent dans l’espace et rend sa présence perceptible. La ‘bleuité’ du bol est alors pensée non pas comme quelque chose qui est restreinte au bol et qui adhère à lui, mais au contraire comme quelque chose qui se diffuse vers l’environnement du bol, en colorant ou en ‘teintant’ d’une certaine manière cet environnement, comme Jakob Böhme le dirait »[58]. C’est ainsi que chaque chose affecterait son environnement de sa présence.

Mais encore, en mettant en évidence cette dimension extatique des choses, Böhme introduit un troisième terme habituellement négligé dans les théories de la perception : le médium. Comme il le dit lui-même : « La structure de la perception n’est

Le développement qui suit s’appuie en particulier sur l’article suivant : Böhme, G. Atmosphere as the Fundamental Concept of a New Aesthetics. Op. cit.



[56] Ibid.

[57] Le développement qui suit s’appuie en particulier sur l’article suivant : Böhme, G. Atmosphere as the Fundamental Concept of a New Aesthetics. Op. cit.

[58] Ibid. (traduction personnelle de l’anglais).