Petite histoire de la notion d’ambiance


resumo resumo

Jean-Paul Thibaud



fois objective puisqu’elle émane des choses et qu’elle peut être produite à partir d’arrangements matériels, et subjective puisqu’elle ne peut être définie indépendamment des personnes qui l’éprouvent. Bref, l’atmosphère serait « la manifestation de la co-présence entre sujet et objet »[50].

Deuxièmement, il en va du rapport entre les sens. Ici, Augoyard distingue l’ambiance (au singulier) des ambiances (au pluriel). Si la science et la technique ont l’habitude de dissocier les diverses modalités sensorielles pour mieux étudier l’environnement, la question reste entière quand à sa capacité à rendre compte des phénomènes intersensoriels ou amodaux : « Alors que l’architecte produit une ambiance, nous lui proposons de mettre bout à bout des ambiances, l’une thermique, l’autre acoustique, etc. Pouvons-nous seulement définir scientifiquement ce qu’est une ambiance architecturale ? »[51]. Dans le même ordre d’idée, Böhme remet en cause la tendance à dissocier les sens dans un premier temps pour chercher à les réunifier par la suite. En reprenant à nouveaux frais la notion de synesthésie, il montre au contraire que l’unité sensible d’une situation préexiste à la différenciation entre les sens. C’est sur la base de l’atmosphère, conçue comme un arrière-plan global et indivise que s’opèrerait ensuite la discrimination de détails et la distinction entre telle ou telle modalité sensible[52].

Troisièmement, il en va du rapport entre la réception et la création. L’ambiance relève à la fois de ce qui peut être perçu et de ce qui peut être produit. Mieux encore, elle tend à questionner une telle distinction dans la mesure où la perception est elle même action. De même que l’architecte ou le scénographe agence matériellement des formes sensibles, les usagers configurent par leurs actes le milieu dans lequel ils se trouvent. Augoyard avance ainsi l’hypothèse que « notre relation avec l’environnement sensible et formel est à concevoir comme un échange, une circulation constructive entre le donné et le configuré, le senti et l’agi, le perceptible et le représentable »[53]. Böhme le dit lui aussi à sa manière quand il indique que la production d’une atmosphère ne procède pas simplement de la conception d’un objet mais toujours en même temps de

Augoyard, J.F. Eléments pour une théorie des ambiances architecturales et urbaines. Op. cit.

Böhme, G. (1991) Über Synästhesien / On Synaesthesiae. Daidalos. n° 15, pp. 26-37.



[50] Böhme, G. (1998) Atmosphere as An Aesthetic Concept. Daidalos. n°42/43, pp. 112-115.

[51] Augoyard, J.F. Eléments pour une théorie des ambiances architecturales et urbaines. Op. cit.

[52] Böhme, G. (1991) Über Synästhesien / On Synaesthesiae. Daidalos. n° 15, pp. 26-37.

[53] Augoyard, J.F. Eléments pour une théorie des ambiances architecturales et urbaines. Op. cit.