Petite histoire de la notion d’ambiance


resumo resumo

Jean-Paul Thibaud



ambiantale, la première a pour l’instant largement dominé la seconde[41]. D’autre part, l’ambiance permet de revenir au sens premier de l’esthétique, c’est-à-dire conçue comme théorie de la perception sensible.  De ce point de vue, il s’agit de restaurer une pensée de l’aisthesis qui dépasse le jugement de goût et le discours rationnel, qui réhabilite la place du corps, de la sensibilité et de l’émotion, et qui remette en cause la domination de la sémiotique et la prépondérance accordée au langage[42]. L’ambiance conduit ainsi à repenser à la fois l’objet de l’esthétique et la discipline esthétique elle-même.

A ma connaissance, deux philosophes ont développé une approche esthétique des ambiances : Jean-François Augoyard et Gernot Böhme[43]. Alors que pour le premier, c’est bien le terme « ambiance » qui est utilisé, pour le second c’est le terme « atmosphère » (de langue allemande, Böhme emploie le mot Atmosphäre[44]). Si ces deux pensées se sont construites indépendamment l’une de l’autre, il n’en existe pas moins de nombreux points communs. Outre le fait qu’elles cherchent à revenir à une théorie de la perception sensible, elles mettent toutes deux l’accent sur la composante architecturale et plus généralement sur la dimension spatiale des ambiances[45]. Il s’agit bien dans les deux cas d’élaborer une esthétique des ambiances appliquée à l’espace construit. Mais encore, l’esthétique des ambiances ne renvoie pas seulement à des architectures monumentales ou à des édifices de référence mais convoque plus

C’est ce que montre en particulier Cheryl Foster en distinguant ces deux dimensions. L’approche « narrative » consiste à lire et écrire l’environnement comme une histoire en s’appuyant sur une sémiotique de l’indexicalité. L’approche « ambiantale » insiste pour sa part sur la sensibilité et résiste à une formulation langagière. Cf. Foster, C. (1998) The Narrative and the Ambient in Environmental Aesthetics. The Journal of Aesthetics and Art Criticism. Vol. 56, n°2, pp. 127-137

Les travaux de Pierre Sansot et Henri Maldiney sont loin d’être étrangers à une telle approche, néanmoins, ils ne formulent pas directement et explicitement une esthétique des ambiances.

Deux numéros de revue d’architecture confirme si besoin est l’inscription des ambiances au sein de la discipline architecturale : Daidalos. numéro spécial « Constructing Atmospheres  ». n° 68, 1998 ; Les Cahiers de la Recherche Architecturale. numéro spécial « Ambiances architecturales et urbaines », n° 42/43, 1998. Comme le remarque Mark Wigley dans un article du numéro de Daidalos : « Architecture is defined by atmosphere ».



[41] C’est ce que montre en particulier Cheryl Foster en distinguant ces deux dimensions. L’approche « narrative » consiste à lire et écrire l’environnement comme une histoire en s’appuyant sur une sémiotique de l’indexicalité. L’approche « ambiantale » insiste pour sa part sur la sensibilité et résiste à une formulation langagière. Cf. Foster, C. (1998) The Narrative and the Ambient in Environmental Aesthetics. The Journal of Aesthetics and Art Criticism. Vol. 56, n°2, pp. 127-137

[42] C’est avec de tels arguments que Gernot Böhme construit son projet d’une « nouvelle esthétique ». Cf. Böhme, G. (1997) Aesthetics Knowledge of Nature. Issues in Contemporary Culture and Aesthetics. 5, pp. 27-37.

[43] Les travaux de Pierre Sansot et Henri Maldiney sont loin d’être étrangers à une telle approche, néanmoins, ils ne formulent pas directement et explicitement une esthétique des ambiances.

[44] Böhme emprunte la notion d’« atmosphère » à la philosophie du corps d’Hermann Schmitz. Tout en reconnaissant cet apport de toute première importance, Böhme opère une critique de la pensée de Schmitz et propose une lecture originale et personnelle de cette notion. Pour Böhme, la pensée de Schmitz reste limitée quand à la construction d’une esthétique des ambiances pour deux raisons principales : d’une part, Schmitz ne s’émancipe pas complètement d’une conception classique de l’esthétique qui réduit celle-ci au champ artistique ; d’autre part, il ne développe que le versant subjectif de l’atmosphère et ne prend pas suffisamment en compte sa composante matérielle et objective. Cf. Böhme, G. (1993) Atmosphere as the Fundamental Concept of a New Aesthetics. Thesis Eleven. n°36, pp. 113-126.

[45] Deux numéros de revue d’architecture confirme si besoin est l’inscription des ambiances au sein de la discipline architecturale : Daidalos. numéro spécial « Constructing Atmospheres  ». n° 68, 1998 ; Les Cahiers de la Recherche Architecturale. numéro spécial « Ambiances architecturales et urbaines », n° 42/43, 1998. Comme le remarque Mark Wigley dans un article du numéro de Daidalos : « Architecture is defined by atmosphere ».