Petite histoire de la notion d’ambiance


resumo resumo

Jean-Paul Thibaud



« clair » et « géographique » constituent autant de manières de désigner l’espace fonctionnel de la vie quotidienne. De l’autre côté, l’espace affectif et qualifié, celui de nos humeurs et de nos sensations, celui des atmosphères qui nous enveloppent et des sentiments qui nous traversent. Les espaces « thymique », « noir » et du « paysage » se rapportent ainsi au monde ambiant et à nos manières d’être au monde. Si la première façon de vivre l’espace est celle qui est habituellement mise en avant et étudiée d’un point de vue scientifique, la seconde n’est généralement pas prise en compte, ni même thématisée. Pourtant, il en va de la physionomie du monde dans lequel nous vivons, de son caractère plus ou moins hospitalier ou familier, de la communication immédiate que nous avons avec les phénomènes environnants. La distinction entre ces deux formes de spatialité ne doit pas nous induire en erreur. Celles-ci sont toujours simultanément présentes dans l’expérience de tous les jours. Le monde est vécu à la fois comme un monde d’objets à partir desquels nous agissons et nous nous orientons et comme un monde de qualités avec lesquelles nous vibrons et nous nous accordons.

Précisons plus avant ce qu’il en est du monde ambiant. Si nous avons mis l’accent jusqu’à présent sur son versant spatial, encore faut-il ne pas se méprendre sur ce qu’il recouvre. Ce qui est visé ici, ce n’est pas le monde de la représentation mais celui de la présence, non pas le quoi du monde environnant mais le comment de notre être au monde. Autrement dit, et là réside tout l’intérêt et toute la difficulté d’une telle entreprise, il s’agit de saisir ce qui échappe à toute objectivation et thématisation, ce qui relève de l’expérience anté-prédicative du monde[30]. Comme je l’ai déjà mentionné, l’idée d’espace ambiant se rapporte aux structures anthropologiques de l’être au monde et ne se réduit en aucun cas à une simple position topologique.

Si les œuvres de Minkowski, Binswanger et Straus s’accordent sur de nombreux points en matière d’ambiance, elles n’empruntent pas pour autant le même chemin de pensée pour saisir un tel domaine. Une des façons de différencier ces divers auteurs est de dégager le rôle que joue la sensorialité dans chacune de ces démarches. Ayant passé une partie de sa vie en France et ayant écrit directement en français, Minkowski est celui des trois penseurs qui fera un usage explicite du terme « ambiance » lui-même. A cet égard, la notion centrale de contact vital avec la réalité indique que c’est moins l’ambiance elle-même qui importe que l’interaction qu’entretient l’individu avec l’ambiance. Le terme « vital » est ici fondamental dans la mesure où au-delà du contact



[30] Notons que l’histoire de la philosophie est traversée par cette préoccupation, qu’il s‘agisse de la chôra chez Platon, des synthèses passives chez Husserl ou du jugement réfléchissant chez Kant.