Petite histoire de la notion d’ambiance


resumo resumo

Jean-Paul Thibaud



tensions qui animent le mot en question. La démarche de Spitzer est bien plus ambitieuse puisqu’il ne s’agit pas moins que de procéder à une histoire des idées en partant de l’antiquité grecque et latine pour arriver jusqu’à l’époque contemporaine. En opérant de la sorte, Spitzer montre en quoi le mot ambiance révèle et s’inscrit dans différentes conceptions du monde. C’est en revenant à ces visions du monde que l’on peut comprendre comment le terme ambiance se dote progressivement d’une épaisseur sémantique, philosophique et scientifique.

S’il est hors de propos de synthétiser ici les résultats auxquels aboutit Spitzer dans son essai de sémantique historique, on peut néanmoins en retenir quelques idées centrales. L’argument principal est que le terme ambiance est en relation étroite avec le terme milieu, si bien qu’on ne peut mettre à jour le premier sans s’intéresser en même temps au second. Si ces deux mots s’éclairent mutuellement, c’est à la fois parce qu’ils renvoient tous deux à « ce qui environne les hommes ou les choses » et parce qu’ils sont souvent utilisés conjointement (on parle alors du milieu ambiant). Autrement dit, l’analyse des diverses acceptions et usages du mot milieu donne des indications précieuses sur l’histoire des idées dans laquelle s’inscrit le mot ambiance. Dans de longs développements d’une grande érudition, Spitzer s’attache à identifier les déplacements, évolutions et enjeux de la notion d’ambiance au cours de l’histoire de la pensée occidentale.

S’il est désormais admis que le mot ambiance dérive du verbe latin ambire, Spitzer montre qu’à l’origine le préfixe amb- ne signifiait pas « autour » ou « ce qui entoure » mais plutôt « des deux côtés » (droite et gauche). Cette remarque est loin d’être anodine puisqu’elle permet de mettre en évidence la connotation de protection associée au verbe ambire. Celui-ci renvoyait alors au mouvement des deux bras lors d’une étreinte chaleureuse. Si cette idée de protection et de bienveillance, de milieu protecteur en sympathie avec l’homme, ne fait que prolonger la vision du monde des grecs antiques, elle sera par contre remise en cause avec l’avènement de la science moderne qui recherchera des facteurs déterminants extérieurs à l’homme. Un tournant se produit en particulier avec la conception du milieu ambiant (ambient medium) développée par Newton. Au caractère protecteur et bienveillant de l’ambiance se substitue l’idée d’un milieu régit par un ensemble de lois où l’homme n’est plus la mesure de toutes choses. On passe d’une conception « chaude » soucieuse de la relation charnelle et bienveillante de l’homme à son milieu, à une abstraction « froide » et