Petite histoire de la notion d’ambiance


resumo resumo

Jean-Paul Thibaud



apparaît aussi en 1891 dans un passage de leur Journal. Quelle que soit l’année exacte et quel que soit l’auteur à avoir utilisé ce terme pour la première fois, retenons que le mot ambiance date de la fin du XIXème siècle et émerge dans le milieu littéraire des symbolistes et des impressionnistes. A cette époque, l’école symboliste fait un grand usage du suffixe –ance qui permet de former entre autres le mot ambiance. Pour Paul Adam, un des représentants de ce mouvement, « ance marque particulièrement une atténuation du sens primitif, qui devient alors moins déterminé, plus vague, et se nuance d’un recul »[11]. Dans son étude inaugurale du mot ambiance, Michaëlsson reprendra à son compte un tel argument pour tenter de montrer que ce néologisme s’inscrit à l’encontre de la raison cartésienne dominante dans la langue française : « Si le français garde toujours intacts des traits fondamentaux qui relèvent de l’ancienne clarté, dans son sens classique, on y rencontre également une part plus large faite à l’intuitif, à l’expressivité, aux demi-jours, aux termes qui suggèrent plus qu’ils ne signifient, aux mots vagues sans contours précis. Parmi ces termes suggestifs et imprécis, le mot ambiance tient une place de premier plan, par son emploi et sa signification, non moins que par la vogue dont il jouit »[12]. Pour aussi séduisante que soit cette idée, elle ne fait pas l’unanimité auprès des linguistes qui se sont intéressés à la notion d’ambiance. Il faudra attendre les travaux de Leo Spitzer pour saisir combien cet argument relève d’une simplification hâtive et irrecevable. En effet, si le terme ambiance s’est très rapidement répandu dans le langage courant, dans un sens très large et très ouvert, l’adjectif ambiant a été l’objet de nombreux emplois techniques et scientifiques beaucoup plus précis et rigoureux.

Dans un remarquable essai datant de 1942[13], Leo Spitzer déploie une véritable théorie de la connaissance à partir du terme ambiance. S’il rend hommage aux travaux précurseurs de Michaëlsson, il les dépasse à bien des égards en s’appuyant sur la méthode de la sémantique historique dont il est le fondateur. Comme il le remarque lui-même, le simple usage de dictionnaires pour rendre compte de l’origine et de l’évolution d’un terme ne suffit pas. Ce support d’informations ne donne accès qu’à des « sédiments pétrifiés » qui ne constituent que la surface visible des lignes de force et des

Michaëlsson, K. (1939) Ambiance. Studia Neophilologica. Vol. XII, pp. 91-119.



[11] Cette citation de Paul Adam est donnée par François, A. (1939) Suffixe littéraire –Ance. Vox Romanica. IV, pp. 20-34. Comme le montre Leo Spitzer, une étude plus attentive de ce suffixe révèle qu’il indique plutôt la perpétuation ou la subsistance d’un état d’être, quelque chose qui perdure et se prolonge dans le temps. Cf. Spitzer, L. (1939) Le français moderne. VII, p. 276.

[12] Michaëlsson, K. (1939) Ambiance. Studia Neophilologica. Vol. XII, pp. 91-119.

[13] Spitzer, L. (1942) Milieu and Ambiance: an Essay in Historical Semantics. Philosophy and Phenomenological Research. Vol. III, pp. 1-42 et pp. 169-218.