Pouvoirs de la ville. Note sur la pensée urbaine et les langages politiques au début de l’âge moderne


resumo resumo

Romain Descendre



Dans l’Italie de la fin du Moyen Âge et du début de l’âge moderne prend corps ce qu’on peut appeler une pensée urbaine, entendue non pas seulement comme pensée issue de la ville ou exprimant un éthos urbain, mais comme une pensée de et sur la ville, une réflexion sur le phénomène urbain et la cité comme espace de vie spécifique. L’émergence de cette réflexion témoigne d’un changement historique important dans l’idée que l’on s’est fait de la ville : elle exprime le fait que ce qui apparaît désormais digne de pensée n’est plus seulement sa dimension de civitas, mais sa réalité concrète d’urbs. Cette distinction, qui au Moyen Âge était généralement faite pour mettre en évidence la nature juridico-politique de la cité, reléguant la matérialité physique de ses murs dans le domaine de l’inessentiel, a ouvert un champ autonome à une pensée de la ville qui fût avant tout une pensée de ses espaces. Cependant, il serait erroné de croire que cette pensée urbaine – pensée de l’urbs – soit moins politique que celle de la cité médiévale et communale – pensée de la civitas. Certes, elle est inséparable de l’émergence d’une nouvelle figure, l’architecte, qui, en soi, paraît moins lié au champ de la politique qu’à celui des arts (contrairement à la figure centrale de la civitas communale, le podestat, homme de loi et de gouvernement, ou encore l’évêque, puisque, traditionnellement la civitas se définissait par la présence en son sein d’une chaire épiscopale). Or cette figure de l’architecte prend toute sa place dès lors qu’elle est articulée avec une autre figure nouvelle, dans l’Italie de la fin du Moyen Âge, celle du prince. Les textes d’architectes qui proposent des réflexions sur l’organisation des espaces urbains et qui lient étroitement conception architecturale et pensée de la ville naissent dans des contextes où la ville apparaît moins, désormais, comme le lieu de la res publica, dans la tradition des communes libres, que comme le lieu où s’exerce et se manifeste le pouvoir du prince. Il s’agit d’une double dépendance : l’architecte, pour exister, a certes besoin du prince, mais le contraire est tout aussi vrai. Dans un contexte où la ville est avant tout définie par ses traditions communales, faites de multiples « libertés » et de modes de gouvernement profondément marqués par la collégialité et la rotation des charges, le pouvoir seigneurial, ou celui qu’exprime la mainmise d’une seule famille sur le gouvernement de la cité, souffrent d’un manque de légitimité qu’ils compensent notamment par l’invention de nouveaux édifices et d’un nouveau langage des formes de la ville.

Ce n’est donc pas un hasard si, dès ses débuts, la pensée de la ville qui s’exprime dans un certain nombre de textes d’un type nouveau, apparaît comme innervée par la question du pouvoir. Non seulement l’urbanisme (en tout cas ses prémisses, ou sa