Pour une science humaine du discours. Des affects et des vertus dans la science réflexive


resumo resumo

Marie Anne Paveau



paradoxal dont je ne pouvais sortir qu’en tentant de les hiérarchiser, d’établir une priorité entre elles. C’est ce que j’ai voulu faire. Ainsi, ma thèse (Piron 1998), tout en exigeant tacitement d’être reconnue comme telle par la communauté scientifique, annonce dès son titre le choix qu’elle a fait en faveur de la « responsabilité pour autrui » (Lévinas 1978), de ma responsabilité pour ces jeunes, ainsi que son pari fondamental : ne pas effacer ni dans son mode d’écriture ni dans ses conclusions « savantes » le lien d’ordre éthique, porteur de multiples ambiguïtés, qui s’était noué entre certains de ces jeunes et moi dès qu’ils eurent commencé à répondre à mes questions en me regardant droit dans les yeux, dès qu’ils m’eurent choisie pour être le témoin privilégié de leur récit de vie, de l’histoire de leurs rapports avec les autres, de l’énoncé tacite de leurs propres exigences éthiques (PIRON, 2000 p. 3)[1].

 

Sa réponse à ce problème sera le choix, dans sa thèse, de prendre comme objet non pas les récits de ses jeunes sujets, mais le dialogue entretenu avec elleux, et d’intégrer par conséquent sa propre voix à sa recherche. Situation à laquelle elle a du mal à s’habituer, explique-t-elle, d’autant plus que cela l’amène à se voir elle-même sous des jours peu « scientifiques », par exemple manipulant plus ou moins la parole des jeunes. Mais c’est sa position éthique qui prime, et toute la rédaction de sa thèse en sera guidée.



[1] Références bibliographiques de la citation : Piron F., 1998, Responsabilité pour autrui et refus de l’indifférence dans trois dialogues avec de jeunes Québécois et dans l’écriture scientifique. Essai d’anthropologie de l’expérience éthique, thèse de doctorat, Université Laval, Québec  Lévinas E., 1978, De l'existence à l'existant, Paris, Vrin.