Pour une science humaine du discours. Des affects et des vertus dans la science réflexive


resumo resumo

Marie Anne Paveau



 

One has animal knowledge about one’s environment, one’s past, and one’s experience if one’s judgements and beliefs about these are direct responses to their impact – e.g., through perception or memory – with little or no benefit or reflection or understanding. One has reflective knowledge if one’s judgement or belief manifest not only such direct response to the fact known but also understanding of its place in a wider whole that includes one’s belief and knowledge of it and how these come about (SOSA, 1991, p. 240).

 

Cette distinction l’amène à une définition du savoir intégrant la dimension éthique :

 

We have reached the view that knowledge is true belief out of intellectual virtue, belief that turns out right by reason of the virtue and not just by coincidence. For reflective knowledge you need moreover an epistemic perspective that licenses your belief by its source in some virtue or faculty of your own (SOSA, 1991, p. 277).

 

« Le savoir est une croyance vraie issue de la vertu intellectuelle » (ma traduction). Autrement dit, le savoir réflexif, de plus haut niveau que le savoir animal, est constitué par le filtre éthique de la vertu : « by reason of the virtue », par la raison de la vertu. Le savoir réflexif est celui qui bénéficie d’une perspective, d’un regard de l’agent, le « knower », qui examine son savoir et le teste au moyen de critères éthiques, ceux de la vertu. On aimerait que ces questions, formulées par Claudine Tiercelin dans son ouvrage Le doute en question, soient plus souvent posées dans la recherche en sciences humaines : 

 

L’épistémologie a-t-elle pour seule fonction d’évaluer la légitimité de nos croyances au vu des évidences empiriques dont nous disposons, ou peut-elle aussi émettre des directives sur la manière de se comporter comme chercheur, sur la manière dont, par exemple, il conviendrait de collecter davantage d’évidences empiriques, de multiplier nos sources, de mieux contrôler nos expérimentations, d’être attentifs à la critique, etc. ? (TIERCELIN 2005, p. 260).

 

La réponse est non, bien sûr, et l’épistémologie peut (doit ?) nous conduire à la conscience réflexive, à la connaissance des ressorts et des effets de notre subjectivité et à la révision de nos croyances. À une meilleure science, en un mot. Mais des pièges se tendent, et l’humanité des sciences humaines peut se prendre aux filets d’une réflexivité de façade ou d’un jeu narcissique.