Marcher, courir: gestes pour vivre, penser, écrire


resumo resumo

Mariagrazia Margarito



À 42 minutes de course, j’atteins mon premier palier d’endorphines, puis un second 15 minutes plus tard […] Mes amis me coachent ensuite pour des séances de fractionné[21].

 

Au début de ces pages nous avons cité le corps comme siège des émotions. Au niveau lexical, assez inattendu, c’est le lexème "sensation" qui apparaît – et à plusieurs reprises - dans ces périodiques consacrés à la course :

 

Faites le plein de sensations

[…] en courant peut-être plus souvent, mais moins longtemps, le plaisir de la pratique va l’emporter […] vous pourrez encore vous enivrer de sensations de course à pied : le pied qui griffe le sol, le temps de suspension et la foulée qui s’allongent[22].

 

Sensation et détachement, au fil du temps qui passe, de l’âge donc, lorsque la centration sur la performance s’estompe et se relativise :

 

Le corps n’est pas une mécanique aux pièces interchangeables quand elles sont au bout du rouleau […] Le sport est aussi soumis aux forces de l’équilibre, aussi bénéfique que destructeur[23].

 

Paysages source d’énergie[24]

Excepté les périodiques de spécialité jogging et course, la focalisation discursive sur le corps touche, dans la majorité des textes de notre corpus, à un autre en-dehors du corps, le paysage révélé par l’appropriation de la part de l’être en marche, ou en course.

Le lien émotionnel marcheur, coureur - paysage peut être très fort : l’émotion est un déclencheur de praxis dont le volet social est à bon escient la remémoration. Paysage comme lieu par où sont passées les générations qui nous ont précédés (interdiscours prévisible pour la marche comme lerinage religieux ou laïque, remarques récurrentes, par exemple, dans les récits du chemin de Compostelle :

 

Le pèlerin aime sentir qu’il met ses pas dans ceux de millions d’autres qui ont emprunté le même parcours pendant des siècles […] le pèlerin, quel qu’il soit, aime sentir vibrer autour de lui les pierres. Il éprouve une jouissance sans pareille à laisser son imagination le tromper, brouiller les époques[25]).

 

 



[21] “Jogging”, cit., p. 60.

[22] "Running Attitude" , cit., p. 49.

[23] “Joggeur”, cit., p. 67.

[24] Cf. F. Gros,  cit., p. 148.

[25] Rufin, cit., p. 11.