Marcher, courir: gestes pour vivre, penser, écrire


resumo resumo

Mariagrazia Margarito



Jean Echenoz, le champion, sa course, ses gestes sont décrits par les spectateurs, par le(s) commentateur(s). Pas d’introspection, pas d’aveu (même dans la fiction) de la part de Zatopek qui semble peu concerné par sa mécanique corporelle :

 

Loin des canons académiques et de tout souci d’élégance, Émile progresse de façon lourde, heurtée, torturée, tout en à-coups. Il ne cache pas la violence de son effort qui se lit sur son visage crispé, tétanisé, grimaçant, continûment tordu par un rictus pénible à voir. Ses traits sont altérés, comme déchirés par une souffrance affreuse, langue tirée par intermittence, comme avec un scorpion logé dans chaque chaussure[16],

 

Cette façon de s’entraîner lui permet d’épuiser ses adversaires […] Car non seulement il leur est presque impossible de suivre sans se dérégler la petite foulée courte, heurtée, inégale et saccadée qu’Emile tricote, non seulement ces variations de rythme incessantes leur compliquent affreusement la vie, non seulement cette allure bizarre et fatiguée, montée sur des gestes  roidis d’automate, les décourage car elle les trompe, mais son perpétuel dodelinement de tête et le moulin permanent  de ses bras, par surcroît, leur donnent aussi le vertige[17].

 

Plus réflexifs et plus explicites le philosophe marcheur (Frédéric Gros) et leromancier marathonien (Haruki Murakami) :

 

Dans trop de livres, on sent le corps plié, assis, courbé, ratatiné sur lui-même. Le corps qui marche est déplié et détendu comme un arc : ouvert aux grands espaces comme la fleur au soleil. Le torse exposé, les jambes tendues, les bras élancés[18],

 

les semelles de ces chaussures vous communiquent une sensation de solidité et de confiance lorsque vous courez […] elles sont de très bonnes partenaires pour vous accompagner le temps d’un marathon […] les coureurs sont sensibles à de petits détails distinctifs[19]

 

Encore à la recherche de ces corps énoncés, nous nous sommes alors tournée vers des mensuels pour spécialistes et amateurs de jogging et de course. Suivant nos attentes, le lexique sportif et médical de spécialité ne manquait pas puisqu’il s’agit de la mécanique corporelle, anatomique qui est mise en avant

 

La vérification des fréquences [cardiaques] atteintes en fin de séquences rapides doit vous indiquer si la répétition des efforts a permis la sollicitation maximale des processus de transport de l’oxygène. C’est-à-dire si vous vous approchez à chaque fois de votre FCmax [fréquence cardiaque][20],

 

 



[16] J. Echenoz, cit., pp. 49-50.

[17] Ibid., pp. 52-53.

[18] F. Gros, cit., p. 32.

[19] H. Murakami, cit., pp. 95-96.

[20] “Running Attitude”, cit., p. 55.