Marcher, courir: gestes pour vivre, penser, écrire


resumo resumo

Mariagrazia Margarito



 

Nous allons nous rattacher là à des propriétés de la vie et de l’activité humaine : le souffle, le battement de cœur, le mouvement, la "dimension proprement corporelle"[10] du langage : phonation, données acoustiques, processus articulatoires. Mais parler constitue une pratique sociale ayant des effets de transformation et d’action : 

 

l’activité de langage des locuteurs est d’abord et avant tout une pratique sociale. A ce titre, elle n’est pas réductible à une pure description ou explication du monde mais elle a une puissance d’action sur celui-ci, non seulement le langage dit le monde mais le langage transforme, modifie, façonne ce monde[11].

 

Parler, écrire (avec toutes les différences que demandent ces deux codes) sont des pratiques langagières[12]que nous appréhendons à partir d’un autre point de vue : marche, course en tant que vie, que souffle vital. Le langage humain dans sa dimension individuelle et sociale, dans sa réalité physique inséparable de la respiration est inscrit dans des praxis ; marcher, courir aussi.

C’est dans la linguistique du travail que nous trouvons une dynamique forte qui convient à nos réflexions. Josiane Boutet traite, dans La vie verbale au travail, de similitudes frappantes entre parler et travailler : insertion « dans la chaîne sans fin des énonciations », une « intertextualité fondamentale », une dialogie toujours présente, des normes et des contraintes à suivre[13].

Cette énergie qui sied à la parole – et à l’écriture –, au travail est conforme aussi, d’après nous, à la marche et à la course. Cet élan dynamique, celui qui permet le geste d’un pas devant l’autre et des pieds qui se détachent du sol (qui prennent l’envol) dans la course et qui peut à juste titre être assimilé à un travail, connaît-il une retombée de retour, à savoir courir, marcher pour écrire, courir, marcher comme écrire ?

Cherchons alors comment est dit le corps en mouvement. Nous nous étions déjà aperçue que le corps qui marche, qui court est souvent énoncé de l’extérieur (l’auto-énonciation de son



[10] J. Boutet, La vie verbale au travail. Des manufactures aux centres d’appel, Toulouse, Octarès éditions, 2008, p. 104.

[11] Id., Le pouvoir des mots, Paris, La Dispute, 2010, p. 11.

[12] Ibid. p. 10 sqq.

[13] Id., La vie verbale au travail, cit., p. 176.

[14] Un distinguo s’impose: les interviews à ceux qui pratiquent la marche, la course, les reportages des compétitions ne manquent pas d’énoncer le corps (des parties du corps): les pieds qui font mal, la douleur musculaire, les jambes raidies…un corps morcelé, marqué  et découpé par l’effort.