Présentation
Mis à la disposition des visiteurs d’une exposition, d’un musée, les textes expographiques sont ces écrits langagiers à vocation communicationnelle placés sur multiples supports: panneaux, plaquettes, fiches cartonnées, caractères thermocollés aux parois, écrits de lumière, bornes informatiques interactives… que l’on retrouve dans différents endroits: entrée d’une exposition, cimaises, à proximité des œuvres et objets exposés (les expôts), quelle que soit la typologie de musée, d’exposition permanente ou temporaire: beaux-arts, sciences et techniques, société, thématiques, expositions en plein air, écomusées…
Prévus pour la meilleure connaissance d’une exposition, pour accompagner le public dans la visite ces énoncés font partie d’un discours plus vaste (discours en tant que manifestation sémiotique apte à engendrer des messages) étayé par l’événement muséal où ils sont affichés. Ils actualisent le rôle social du musée et suivent un protocole commun de structures discursives: chaque expôt a son texte d’information, pas de suivi séquentiel d’un texte à l’autre, pas de fonction de relais[1] mais tous subsumés sous le même projet d’exposition.
La signalétique des lieux,[2] les catalogues, les étiquettes, les cartels ne donnant que des références minimales: auteur, ou nom de l’objet exposé, titre de l’œuvre, dates, sites archéologiques de découverte…, à fonction d’inventaire (POLI, 2002, p. 57 sqq.) ne font pas partie pour nous des textes expographiques.
Les titres et sous-titres d’exposition ont un statut spécial: élément-vitrine informatif et/ou évocateur (MARGARITO, 2007, p. 345-357) ils ne seront pas analysés dans ces pages.
Le cadre de cette recherche interuniversitaire et internationale, “Dans les musées, autour des musées”, nous pousse à nous pencher non seulement sur les textes expographiques dans les musées et expositions, mais aussi à citer le cas d’une utilisation extraordinaire de textes expographiques autour d’un musée: Rome, années 2013-2017, Palazzo Massimo, Museo nazionale romano. De très grands panneaux couvrent l’enceinte extérieure qui donne sur des avenues aux pins parasols. Textes expographiques en plein air, dans l’habitat urbain d’une capitale, présentant des citations d’après Sénèque en italien et en anglais. La frappe gnomique de ces citations en fait des maximes («Seuls ceux qui ont du temps pour la connaissance disposent de leur temps»)[3] qui accompagnent des photos d’objets anciens probablement exposés dans les salles du musée. Grande réussite d’une mise en abyme étonnante (MARGARITO, 2014, p. 39 – 40).
Nous nous occupons de textes expographiques depuis des années maintenant et nous reprenons ici des points de nos recherches. Exercice qui n’est pas anodin, surtout parce que nous voudrions donner une perspective unitaire à notre parcours et des ajustements seront donc indispensables.
Si naguère, pour les étudier de près, il n’était pas toujours facile d’obtenir les textes affichés – défense de photographier, quasi impossibilité de pouvoir s’adresser à qui les avait rédigés parce que textes non signés (commissaire de l’exposition? conservateur du département du musée?) une avancée méritoire vers le public est faite quand ces textes sont proposés tels quels en ligne sur les sites officiels des musées, ou dans des feuillets qui sont souvent distribués gratuitement aux visiteurs.
Nous les avions considérés en un premier temps comme textes d’accompagnement pour le public, à fonction didactique manifeste, au rôle d’éducation informelle (Jacobi, 2012, p.39). Puis, au fur et à mesure de nos études, du constat des réactions des visiteurs, de la littérature scientifique en muséologie que nous avions abordée, force nous a été de constater que le texte expographique est un objet social à part entière: énoncé dans la matérialité de la langue il appartient à l’histoire des discours, des actes de discours – histoire jamais close! (NORDMANN, 2004) – il est non seulement médiateur du projet muséal qui l’informe, mais partenaire du rapport intime visiteur-projet de l’exposition, par l’activité de lecture qu’il stimule.
Depuis des années la problématique de l’écrit au musée s’est posée, ressentie notamment avec l’avancée des nouvelles technologies et de leurs supports: audioguides, sites internet, flyers, réseaux sociaux… Quelque perplexité sur une présence massive de l’écrit s’était manifestée dans les années 90:
Les textes ne sont pas toujours bien acceptés. Pour certains ils constituent une pollution visuelle, une atteinte à l’esthétique de l’exposition et surtout ils détourneraient l’attention que les visiteurs doivent porter aux objets, aux œuvres d’art
(GOTTESDIENER, 1992, p. 10).
Au seuil de l’an 2000 on se posait encore des questions sur le futur des textes expographiques:
L’écrit ne jouit pas actuellement d’un préjugé favorable auprès des spécialistes des musées. Trop long, gris, peu attrayant, rarement lu etc., on n’en finirait pas de recenser les critiques qui lui sont fréquemment adressées (Jacobi, 1998, p. 276).
Ces craintes ont été dépassées par la réalité: l’écrit en langue naturelle, traductions comprises, est bien présent, souvent oralisé (audioguides, resources mp3) dans des énoncés lus, donc écrits. Une exposition sans textes expographiques paraîtrait déroutante[4], ces textes font partie des attentes du public. Sans conteste, en outre, les études dans ce domaine «ont établi une série de faits peu discutables et qui confirment tous que l’écrit inséré dans le média exposition est essentiel et sans aucun doute irremplaçable» (JACOBI, 2012, cit.).
La nature composite de ces textes, comme nous le verrons, demande différentes approches: nous nous situons prioritairement et méthodologiquement dans le cadre des disciplines linguistiques et de l’analyse du discours, en privilégiant les entrées lexicales et les items phrastiques, sans négliger toutefois des ouvertures sur la littérature scientifique en muséologie.
Que dire du corpus qui nourrit cette recherche? Des années et des années de visites de musées et d’expositions ne peuvent pas se résumer en un seul corpus. Il est indéniable d’ailleurs qu’un corpus, que nous appellerons de travail, est assemblé à partir de projets et d’hypothèses, pour permettre d’établir un terrain d’analyse, ce «dispositif d’observables» (MAZIERE, 2005, p. 11) représentatif des données, souvent nécessairement hybrides, qu’il nous tient à cœur d’exploiter. Qu’il nous fait plaisir de montrer.
Nous donnerons donc en bibliographie la liste des musées et des expositions qui ont été sélectionnés pour ce corpus de travail.
Complexité et tensions
De toute évidence, le public a une attitude de confiance et de respect envers l’écrit dans une exposition: la petite foule de visiteurs-lecteurs se pressant devant les panneaux d’entrée, puis évoluant dans les salles, de lecture en lecture, en témoigne. Nous savons qu’il est quasiment impossible de lire tout l’écrit d’une exposition, qu’au fil d’une visite les temps d’arrêt devant les panneaux s’amenuisent, voire disparaissent, que la lecture est tributaire de la notoriété de l’expôt ou de la curiosité que celui-ci suscite, de la fatigue physique des visiteurs…
Les études sur les évaluations des visites révèlent aussi que le visiteur peut être intimidé, convaincu parfois de ne pas avoir le niveau culturel suffisant pour appréhender l’importance et la beauté de l’événement muséal auquel il participe et qu’il préfère supposer qu’un texte est trop difficile pour lui plutôt que de mettre en discussion l’autorité de l’institution et son projet muséographique.
Par l’écrit le musée montre dans quelle considération il tient ses publics et indéniablement la qualité de l’écriture est un levier puissant pour le partage des savoirs et du plaisir. Tout le dispositif d’une exposition, cette “machinerie” textuelle plurisémiotique est au cœur des soucis des concepteurs d’une exposition, de la scénographie jusqu’à la signalétique, à tout l’appareil médiatique de promotion, d’annonce, d’activités paratextuelles, de suivi que comporte l’événement muséal.
Informer, faire connaître, délecter sont modulés de multiples manières dans ces textes et il est intéressant, si on les observe de près, de dévider l’écheveau de leur complexité.
La portée didactique est dominante; les statuts de l’ICOM (International Council of Museum) nous rappellent les buts des musées:
Le musée est une institution permanente, sans but lucratif, au service de la société et son développement, ouverte au public et qui fait des recherches concernant les témoins matériels de l’homme et de son environnement, acquiert ceux-là, les conserve, les communique et notamment les expose à des fins d’études, d’éducation et de délectation. (Art. 3, I)
Ces média plurisensoriels que sont tous les lieux d’exposition auraient alors comme impératif, entre autres, d’atteindre une distribution idéale du savoir: «l’expérience de visite n’est pas qu’ascèse et réflexivité, elle est également plaisir du partage» (EIDELMAN, CORDIER, LETRAIT, 2008, p. 201) qui englobe la délectation, le plaisir du public donc, sensations et émotions confondues. Bonheur ou déconvenue du visiteur sont étroitement liés à la connaissance expériencielle de la visite. Celle-ci se déploie dans un espace social (site patrimonial, musée, galerie d’art, etc.) où le visiteur porte son interprétation, espace nourri de discours – dont ceux qui traversent les textes expographiques –, discours des visiteurs entre eux, discours des audioguides, des applications pour tablettes et smartphones, réponses aux enquêtes d’évaluation proposées par l’institution muséale. Saillances des discours que les sciences humaines et sociales, les sciences linguistiques, la psychologie, l’anthropologie culturelle, la sociologie de la réception qualifient de production sociale, l’expôt lui-même étant un objet social.
Ces dernières années, la littérature scientifique s’est focalisée surtout sur la polyphonie énonciative (RIGAT, 2005, 2012), les «interactions sémantiques langue/objet» (POLI, 2005, p. 172), la pluralité de lectures possibles. Objet scriptovisuel, le texte expographique montre
- des articulations diversifiées dans l’étalement discursif par
- une hétérogénéité manifeste par
Sublimés par leur ostension, les expôts sont énoncés et au-delà des différences de typologies d’exposition, un rituel institutionnel, des routines sont généralement respectés dans les textes expographiques. On cite le musée qui expose, les sponsors, les institutions et les particuliers prêteurs, les conservateurs, un cadrage historique et géographique, une chronologie, la biographie de l’artiste (ou du mouvement culturel, ou, d’après le sujet de l’exposition, les notions, la discipline, les matériaux présentés).
Voici un exemple que nous présentons souvent, le considérant désormais classique:
Edgard Degas (1834 – 1917) est l’un des meilleurs représentants de la peinture française du XIXe siècle. Alors qu’il admire et médite la leçon des grands maîtres du passé, plus particulièrement les peintres italiens du début de la Renaissance, il introduit sans cesse des novations radicales qui le placent à la tête des avant-gardes artistiques parisiennes de son époque […]. Cette exposition se propose de suivre les étapes d’une carrière étonnamment féconde, d’une soixantaine d’années, retracée au travers de remarquables collections du Musée d’Orsay de Paris, les plus riches au monde en œuvres de Degas.
(Exposition Degas. Capolavori del Museo d’Orsay / Degas. Chefs-d’œuvres du Musée d’Orsay, Promotrice Belle Arti, Torino, 18 octobre 2012 – 27 janvier 2013, panneau d’entrée)[5].
Les routines nous relatent le rappel des peintres italiens qui est indirectement un hommage au pays qui accueille l’exposition, les “novations radicales” et les “avant-gardes artistiques pariesiennes” à valeur encyclopédique, comme la mention de la carrière du peintre, et les “collections du Musée d’Orsay de Paris”, hommage au musée prêteur.
Un exemple de texte expographique proche de la didascalie peut mettre en avant des habitudes d’explicitation de l’expôt appartenant surtout au passé et marquant l’évolution chronologique de la rédaction des textes:
Fresques de la Crypte du Museo dell’Opera de Sienne [les textes écrits renvoient aux Évangiles, que les peintures illustrent].
Lavement des pieds.
La scène du lavement des pieds est dominée par une grande bassine qui sert à Jésus pour laver les pieds à Saint Pierre. Le saint, ému, une main sur son front, regarde le Christ et lui dit: «Tu ne me laveras pas les pieds; non, jamais!». Jésus lui répond: «Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi». Simon Pierre lui dit: «Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête!» (Jean, 13, 8-9). [6]
Écho réciproque entre les fresques “bible des pauvres” et les didascalies, les unes renvoyant aux autres: l’écrit par son autorité rayonnerait-il sur les expôts, ou les expôts utiliseraient-ils la didascalie comme faire-valoir?
Plus récents les textes d’une exposition indirectement liée aux beaux-arts: Drôles de petites bêtes d’Antoon Krings (Musée des Arts Décoratifs, Paris, 11 avril – 8 septembre 2019) affichent des rappels encyclopédiques sur la présence et le traitement des bestiaires dans la littérature, et des commentaires sur l’univers de cet écrivain et grand illustrateur français, célèbre par ses livres pour enfants et la création de personnages inoubliables (insectes surtout, “petites bêtes”).
Dès l’antiquité circulent des récits mettant en scène des animaux: c’est à Ésope qu’on attribue les premières fables entre le VIIe et le VIe siècle av. J.-C., compilées par Phèdre au 1er siècle av. J.-C. Ces courts récits allégoriques et symboliques sont difficiles à dissocier de leurs représentations graphiques, cette symbiose expliquant en partie le succès du plus célèbre des fabulistes, Jean de La Fontaine, aux textes maintes fois édités et illustrés. S’inspirant des fables antiques, tout comme du Kalila va Dimna arabe, il publie à la fin du XVIIe siècle trois recueils qui renouvellent ce genre très apprécié, par la liberté du style et du ton (vers irréguliers, apostrophe au lecteur). Chacun des artistes ayant illustré les Fables de La Fontaine a joint à l’œuvre sa propre sensibilité […].
Outre les données encyclopédiques (Ésope, Phèdre, La Fontaine…) le commentaire à valeur dialogale et didactique marque une introduction à l’œuvre de l’illustrateur Krings par la proximité établie entre récits, fables et actualisation graphique. Exemple probant d’attention pédagogique, de souci d’autrui, à savoir du visiteur visio-lecteur.
D’autres panneaux s’attardent sur des caractéristiques que l’on pourrait définir techniques de l’art de Krings: rapport insectes – êtres humains, les premiers ayant des attitudes humaines, mais dans un univers où les hommes sont quasiment ignorés, et éventuellement dérangeants.
Les textes expographiques de cette exposition proposent différents niveaux de lecture et ouvrent la voie à une immersion dans l’univers de travail, de références savantes, scientifiques d’un dessinateur aux vastes horizons de savoir. Le charme de la réalisation graphique ne doit pas faire oublier la grande culture qui en amont l’alimente:
Les petites bêtes d’Antoon Krings sont à la fois animales et humaines, aussi crédibles lorsqu’elles butinent dans le jardin que lorsqu’elles évoluent dans leurs maisonnettes. Quant aux fleurs, fidèlement représentées, elles ne se contentent pas de camper dans le décor, mais, bien que statiques, sont également des personnages à part entière […].
Le jardin des “Drôles de petites bêtes” est leur domaine réservé: l’interaction entre les animaux et les hommes est quasi inexistante, le monde humain n’est qu’évoqué, souvent par le biais d’objets oubliés (c’est nous qui soulignons).
Dans les musées et les expositions de sciences et techniques la vulgarisation des notions scientifiques épouse les données didactiques et souvent la réalisation graphique, rédactionnelle des textes expographiques est elle-même un outil pédagogique: lisibilité accrue par le choix des caractères typographiques et des couleurs, facilitation d’accès aux panneaux et plaquettes, schémas capteurs d’attention, le visiteur étant censé ne pas avoir toutes les compétences de spécialité du sujet de l’exposition.
Exposition La science frugale (un projet de l’Association Traces - Espace des Sciences Pierre Gilles de Gennes, ESPCI Paris | PSL), Paris, novembre 2016 – juin 2017:
La science frugale est un état d’esprit, celui de ne pas voir les ressources disponibles comme une contrainte mais comme une opportunité, ou encore de voir le partage comme une occasion de s’enrichir. Il ne s’agit pas de faire de la science au rabais, mais de la science soutenable et pluridisciplinaire.
Le terme Science Frugale évoque un faisceau d’initiatives de science durable, accessible et pluridisciplinaire, en recherche fondamentale ou appliquée, en médecine, en éducation, ainsi que dans le domaine de la médiation des sciences. Créer ses propres instruments scientifiques sur la base de composants récupérés et réemployés, imprimer un microscope en 3D, réaliser des examens médicaux à l’aide de son smartphone, ce sont quelques manières, parmi de nombreuses autres, de faire de la science frugale (c’est nous qui soulignons).[7]
On remarquera l’écriture surtout dénotative, de nombreux items à valeur définitionnelle (“La science frugale est un état d’esprit […] le terme science frugale évoque un faisceau d’initiatives […] créer… imprimer… réaliser… ce sont quelques manières […] de faire de la science frugale) qui sont des caractéristiques récurrentes dans le cadre d’expositions des sciences, surtout lorsqu’une visée épistémologique, militante, est ciblée sur des axiologies positives de notre époque. Remarquons aussi la valeur épidictique du message. Le texte de Biolab gynécologie d’urgence (v. photo) a un agencement des blocs discursifs informatifs qui capte l’attention (par la lecture) des visiteurs: paragraphe de présentation de la mallette et but des outils qu’elle contient; listage des contenus et publics ciblés pour leur utilisation; rappel de la collaboration avec des institutions et citation d’un de leurs membres.
Le rapport iconographie - texte linguistique tout en laissant la part belle aux expôts et à l’attractivité des images, révèle, surtout dans les expositions de sciences, que les frontières entre image et texte écrit peuvent être mouvantes. Par la disposition sur un support, la structure, la présentation des textes écrits, fournis ou pas de schémas, de photos, l’exposition parvient souvent à créer un amalgame entre image et écriture. Cette dernière, dont le pouvoir est habituellement moindre par rapport à l’impact visuel de l’image, parvient à des fins inattendues lorqu’elle met en jeu ses potentialités: titres de panneaux percutants, jeux de mots, habileté rhétorique.
En voici un exemple (Eau et forêt, Salle du Vieux-Colombier, Briançon, 10 juillet – 31 août 2015, exposition conçue par les Archives départementales des Hautes-Alpes)[8]. L’assemblage textes et photos – documents d’archives, gravures – placés sur un même support laissaient penser à une exposition de … textes expographiques (chiasme expôts - textes expographiques, mise en abyme):
Du pin sur la planche.
L’impulsion donnée au reboisement, à la fin du XIXe siècle, est à l’origine de la création et remise en état des pépinières. Permettant d’utiliser des graines récoltées sur place et parfaitement adaptées au climat local, de nombreuses pépinières s’installent dans le département, parfois à proximité des chantiers, évitant ainsi le transport des jeunes plants […]. Dans un premier temps, ce sont surtout des pins noirs importés d’Autriche qui sont cultivés en raison de leur croissance rapide […]
Et chaux fourrée
Les charbonnières ne sont pas les seuls fours installés au cœur des forêts. Le bois est aussi nécessaire en grande quantité pour la calcination de la chaux. On installait donc les fours au plus près des ressources. Sur cette représentation des environs de Villar-Saint.Pancrace, on peut voir au premier plan, au-dessous du “sentier qui s’en va au bois” un «fourneau à chaux et charbon».
Voir, lire, émouvoir
Dans les textes des expositions de beaux-arts, d’arts décoratifs, de société il est facile de repérer des échappées discursives narratives (très prisées par le public, et que nous verrons sous peu), de constater une hybridité formelle tendue entre «écriture savante marquée par une auctorialité scientifique» (Jeanneret, 2014, p. 100) et une communication accueillante pour le public.
Georges de La Tour, Saint Sébastien soigné par Irène (plaquette à côté du tableau)
La martyre chrétienne Irène est représentée en train de soigner tendrement le corps de Sébastien condamné à mort à cause de sa foi […]. L’implication affective dans la réalisation de la scène est évidente et l’atmosphère sensuelle de la toile est augmentée par l’effet de nuit et l’absence de tout élément à connotation dévote: les personnages n’ont pas d’auréole et la lumière de la bougie dans la lanterne souligne l’expression de grande concentration d’Irène soignant les plaies, et fait émerger le buste et la jambe du jeune martyr, un nu masculin lisse, que le peintre a traité avec une délicatesse inaccoutumée[9](c’est nous qui soulignons).
Exposition Georges de La Tour: l’Europa della luce / Georges de La Tour: L’Europe de la lumière, Palazzo Reale, Milano, 7 février – 7 juin 2020 (date de clôture soumise à covid-19).
La langue se charge non seulement de la visée pathémique – qui «consiste à vouloir “faire ressentir”, c’est-à-dire vouloir provoquer chez l’autre un état émotionnel agréable ou désagréable» (CHARAUDEAU, 2005, p. 53) –, mais de l’explicitation par des données lexicales (évaluatifs et euphoriques) et des items phrastiques des émotions elles-mêmes. Émotions pour lesquelles nous nous appuierons sur la définition qui «les considère comme des “catégories-syndromes” multidimensionnelles et subjectives avec des représentations internes évaluées comme positives ou négatives et identifiables par introspection et / ou par la perception de signaux physiques» (BIEGE et al., 2019, p. 34). Cette explicitation discursive à son tour «ne fait pas que représenter une expérience émotionnelle qui tiendrait ses principes de structuration d’ailleurs, mais […] est [constitutive] de l’expérience émotionnelle» (PLANTIN, 2017, p. 28): l’émotion se déclenche et se nomme: «tendrement… implication affective… atmosphère sensuelle…délicatesse inaccoutumée».
Premiers témoins d’émotions explicitées, d’une délectation atteinte, ou frustrée, les livres d’or (qui connaissent désormais des versions numériques, comme au Musée de l’homme à Paris, 2017 – 2018) sont un rendu émotionnel d’impact non négligeable:
«Très intéressante. J’aurais aimé une description plus étendue des photos, dans les didascalies. Fernando»